16 février 2008

Ford T 1926 - 06 : une Conduite particulière

La conduite de la Ford T mérite à elle seule un chapitre... C'est à la fois très simple et complexe. Simple, parce qu'elle s'adressait à des gens n'ayant jamais conduit auparavant et complexe, car elle n'a quasiment rien à voir avec les voitures d'aujourd'hui : il faut donc oublier tous ses automatismes et réflexes. La production de la Ford T a commencé en 1908, une époque où il n'y avait aucune norme en matière de commandes et de tableau de bord, chaque constructeur ayant son propre système. Le trafic était faible à l'époque, il n'y avait ni stop, ni feux, bref, aucune raison de s'arrêter lorsqu'on était parti...

Tout ceci pour dire que pour conduire une Ford T au 21e siècle, il faut reprendre tout à zéro. Au premier abord, pourtant, les commandes paraissent familières : il y a un volant, trois pédales et un levier (de frein ?). Deux manettes se trouvent de chaque côté du volant : elles commandent l'accélérateur à droite, et l'avance à l'allumage à gauche. La pédale de gauche permet d'avancer, celle du centre de reculer et celle de droite est un frein qui agit sur la transmission. Il y a deux vitesses, mais pas de boite de vitesse : ce sont des sangles qui agissent sur des trains de pignons épicycloïdiques. Je ne rentre pas dans les détails du fonctionnement, le site ford-t.fr le décrit très bien. Quand au levier sortant du plancher à gauche, il permet de débrayer dans un premier temps, et de freiner les roues arrières ensuite.

Pour simplifier, la Ford T, c'est comme une voiture à boite automatique qui reste enclenchée sur «Drive» : tout ce qu'on peut faire, c'est l'empêcher de rouler. mais si on lâche tout... Elle avance !

La difficulté, outre les réflexes modernes de conduite, vient du fait que la voiture, si on ne fait rien, avance toute seule, ce qui peut procurer quelques chaleurs dans la circulation ! Je passe les détails sur le démarrage du moteur, largement facilité par la présence d'un démarreur, monté en série sur tous les modèles depuis 1919. À froid, il est difficile de débrayer et la voiture reste en prise. Pour éviter de fatiguer le démarreur et de vider la batterie, on lève une roue arrière qui va tourner toute seule grâce au différentiel, le temps de faire chauffer la mécanique. C'était un "truc" très usité l'hiver, qui est toujours valable aujourd'hui. À chaud, le débrayage est plus facile : avant d'appuyer sur la pédale du démarreur, il faut tirer le levier à fond, pour bloquer les roues arrières. Évitez de démarrer la voiture avec quelqu'un devant, on ne sait jamais ! Et attention au démarrage à la manivelle : plus d'un conducteur s'est fait rouler dessus par sa propre auto, c'était un accident classique... On règle l'avance à "plein retard" (en haut), on met un tout petit peu de gaz, on tire légèrement le bouton de richesse qui fait office de starter, et on appuie sur le démarreur. Une fois le moteur lancé, il faut remettre de l'avance (abaisser la manette vers le bas) pour qu'il tourne rond, repousser le starter et tenir le régime avec l'accélérateur

Pour rouler, il faut placer le levier en position verticale (il débraye sans freiner les roues arrière) puis accélérer à main droite, en appuyant sur la pédale de gauche. La voiture part doucement en première. Une fois la voiture partie, on repousse le levier vers l'avant. Pour passer la seconde, il suffit de couper l'accélération, de lâcher la pédale doucement, puis d'accélérer à nouveau : la voiture se retrouve en seconde (et plus haute) vitesse. Si la puissance est modeste (20 cv réels !), le couple est important et permet de moduler facilement la conduite.

La voiture est maintenant lancée en seconde, elle avance toute seule et les choses se corsent : comment l'arrêter ? En coupant l'accélérateur, le frein moteur la ralentit déjà fortement. On peux ensuite repasser en première, en appuyant sur la pédale. Avec le pied droit, on appuie sur la pédale de frein, puis on tire le levier pour débrayer l'auto, plus fort si on veut freiner plus court ! Avec un peu d'habitude (!), on peut appuyer légèrement sur la pédale de gauche pour la mettre entre la première et la seconde vitesse...

Pour résumer, en cas d'arrêt d'urgence, il faut tirer le levier et appuyer sur la pédale de droite.

Pour manœuvrer à faible vitesse, dans un garage, par exemple, il faut laisser le levier en position verticale (débrayage). il ne permet ainsi que l'usage de la première et de la marche arrière. En appuyant sur la pédale de gauche, on avance, et sur celle du milieu, on recule. C'est facile à dire, mais la progressivité est telle qu'un créneau demande un peu d'entrainement... Quand à l'avancer de quelques centimètres, vous risquez de heurter le mur ou la voiture devant. Le mauvais réflexe étant, en cas de problème, d'appuyer sur la pédale de gauche, comme pour débrayer un véhicule moderne : au contraire, la Ford T va avancer en première !

Pour couronner le tout, la direction est aussi commandée par un jeu de pignons épicycloïdiques : on évitait ainsi les "coups de raquette" dans le volant, quand la voiture heurtait un rocher sur les mauvais chemins de campagne du Middle West. Le problème, c'est le jeu que cela occasionne, il faut bien tenir le volant pour rester dans sa voie de circulation ! Ajoutez à ça le « shimmy » qui apparait parfois dans le train avant et fait vibrer toute la voiture de gauche à droite. Seule solution, s'arrêter, et repartir !

Dernière particularité, la Ford T possède deux systèmes d'allumage. On démarre sur un classique allumage batterie-bobine, et quand le véhicule est lancé, on passe sur le volant magnétique, plus souple. Il suffit de couper l'accélération et de basculer la clé de contact de la position BATT à MAG, puis de ré-accélérer... C'est aussi une sécurité en cas de panne de l'un des deux systèmes.

Voilà, j'ai essayé d'être clair, mais rien ne vaut un essai "en vrai". Je ne voudrais pas vous faire peur : on finit par se familiariser avec ce système de conduite qui est resté sur la Ford T sans évoluer, de 1908 à 1927, mais il faut compter quand même quelques mois de pratique pour rouler sans soucis, sans peurn d'être surpris par un événement de la circulation... Ce système avait un avantage : les clients ne savaient souvent pas conduire d'autres autos, et restaient fidèles au modèle. Il avait un inconvénient : il était différent du reste de la production automobile, qui va doucement unifier les systèmes de conduite au début des années 20. Raison pour laquelle en 1927, la nouvelle Ford A aura une conduite "standart", ce qui fâchera beaucoup de conducteurs de Ford T, qui continueront à rouler longtemps au volant de leur ancêtres !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tres belle exposé vous m'avez beaucoup aidé à faire mon TPE sur la Ford T et je vous en remercie!